Matinale Rennes Atalante du 10 juin : les Serious Games

Le 10 juin avait lieu au Couvent des Jacobins une matinale de Rennes Atalante consacrée au Serious Games. Accompagné de @Luziadell, j’ai participé à cette matinale. Je vous propose ici une brève synthèse des 3 interventions proposées, avec quelques compléments liés à mes lectures et interrogations.

Pour rappel, un Serious Games est un logiciel informatique qui combine une intention sérieuse, de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo1. On utilise donc le gameplay et l’interactivité qui sont à la base de l’écriture et de la production d »un jeu vidéo, dans la perspective de diffuser un message dont la portée dépasse la dimension d’un simple jeu (formation, information, communication, promotion), comme le souligne Laurent Michaud d’IDATE.

Laurent Michaud - IDATE

En caricaturant, on dira que les Serious Games sont des jeux vidéos, grâce auxquels les utilisateurs vont apprendre/fortifier/consolider leurs connaissances, pour résoudre des problématiques, visualiser et intégrer des processus, …

On en est où ?

Une première chose caractéristique du secteur des SG est sa forte segmentation malgré sa jeunesse. Articulé autour des domaines :

  • de la santé,
  • de l’enseignement/formation,
  • de l’information grand public/communication d’entreprise
  • de la défense/sécurité civile,
  • auxquels on peut ajouter culture et militantisme,

Il est bon de remarquer que l’on ne produit pas les même outils au travers de ces différents secteurs. Bon nombre d’agences de communication numérique qui travaillent sur ce secteur se sont donc naturellement spécialisées sur des domaines particuliers.

Le secteur qui domine très largement le marché aujourd’hui, c’est celui de la défense. On peut d’ailleurs identifier American’s Army comme le premier Serious Games significatif, que ce soit en terme de moyens mis en œuvre et de qualité de réalisation. Lancé en 2002, ce FPS a pour but d’aider l’armée américaine à recruter de nouveaux soldats et de renforcer l’image positive de la structure. On peut également lui attribuer un rôle de sensibilisation aux situation à risque auprès des soldats, mais un autre produit est dédié à cet usage. Avant tout, American’s Army est un FPS, un jeu de « shoot » à la première personne, dans lequel le joueur a pour mission d’éliminer les troupes ennemis, de sauver des otages, … Mais il propose également de nombreuses formations aux soldats joueurs pour pouvoir les  faire progresser in game, mais également leur faire découvrir les différents métiers que propose l’armée (parachutiste, médecin, tireur d’élite, …).

Voici quelques Serious Games que j’ai rencontré ces derniers mois et qui me paraissent intéressants :

En terme de chiffre, on peut souligner qu’en 2009 le marché mondial représentait 10 milliards de dollars et que le marché intérieur français avoisinait les 1.8 milliards2. En terme de coûts, alors qu’en 2008, 100 000€ était un minimum pour une production s’insérant fortement dans le processus pédagogique d’une structure3, on peut estimer qu’avec l’apparition de middlewares performants au sein des entreprises productrices, ainsi que des solutions maisons arrivant à maturité,  il est possible de trouver des SG dès 50 000 €. Il faut bien entendre ici par Serious Games des produits évolués, où il s’agit d’amener à l’apprenant des processus ou des savoirs métiers.

De nombreuses personnes rentrent dans le cycle de production : chefs de projets, ingénieurs pédagogiques/multimédia, graphistes, ergonomes, experts métier, développeurs, …

Évaluation des Serious Games

Danielle Pelé - orange labs

Danielle Pelé intervenait au nom d’Orange Labs lors de cette matinale. Elle a présenté 3 réalisations Orange:

  • Hutnet island pour sensibiliser les consommateur à leur consommation de papier;
  • Mind’up concernant l’apprentissage de connaissances relatives aux télécoms;
  • Flee the Skip sur la sensibilisation à la solidarité et au handicap;

Elle s’est attardée par la suite sur un outil développé par le labs afin d’amener les utilisateurs à évaluer les SG qu’ils utilisent : www.seriousgamesopinions.org.

Bien que la méthode proposée soit sommaire, elle a le mérite d’exister et d’amener les « sérieux joueurs » à apporter un premier retour qu’ils peuvent étayer via des commentaires. L’évaluation me semble des plus subjective, au même titre que l’évaluation d’un produit lambda au travers de petites étoiles sur un e-commerce.

L’aspect collaboratif du site permet à chacun de proposer à notation des Serious Games. Un coup de com sur l’outil permettrait d’avoir des évaluation plus tangibles et de maximiser les titres proposés. Le futur outil de référence dans la notation et la découverte de SG ?

A également été présentée succinctement par Danielle Pelé une étude sur les impacts du Serious Games. La restitution était trop sommaire pour se faire une réelle idée des résultats. Les pistes comportementales / émotionnelles étaient relativement claires, mais les aspects pédagogiques / apprentissage étaient assez flous.

Le cas GFNA

Christophe Lorbert - GNFA

Christophe Lobert, du GFNA venait présenter l’expérience de son groupe en terme de formation de ses personnels et organismes partenaires. Cette entreprise du secteur de l’automobile, fournit à l’ensemble des garagiste, carrossiers des contenus actualisés  … dans le but de mettre en place des processus de mise à jour régulier de leurs connaissances et compétences.

L’intervention était des plus pertinente. Commençant par une phase de démystification, elle a fait le point sur le monde de la formation à distance, de l’auto-formation au tutorat en passant par le e-learning et, bien sur, le Serious Game.

Cela fait quelques années déjà que l’on constate que l’e-learning en auto-formation est une méthodologie qui fonctionne très mal (sur le sujet: Le e-learning est-il un mythe, The Myth about E-Learning, Le e-learning aurait une portée universelle). Il y a en effet un volume conséquent d’abandon dans les parcours pédagogiques basés sur ce modèle (réticence à l’informatique, problèmes de motivations, problèmes de méthodes, …). Fort de se constat, et dans le souci de diminuer les coûts de formations, le GFNA a mis en place des processus d’ingénieurs pédagogiques, qui, à première vue, semblent pertinents, en faisant appel à des tuteurs, des ingénieurs pédagogiques, … pour accompagner les apprenants dans leurs cycles d’apprentissage.

Au sujet du e-learning/Serious Gamining, le message était clair: pas question d’apprendre à un peintre à manier un pinceau, un mécanicien à utiliser une clef à molette, … dans un Serious Games. Bien que la WII ouvre des possibilités dans ce domaine, cela n’est globalement pas très efficient. Il s’agit pour l’essentiel de découvrir/mettre à jour des processus, ou de former à l’utilisation d’outils de diagnostics.

J’ai été étonné de ce discours que l’on entend souvent sur les bancs de la fac, mais que l’on voit peu mis en pratique sur le terrain. Les mécaniques d’apprentissages sont des objets complexes qui dépendent de nombreux facteurs. Il était donc surprenant de recevoir un tel message allant à l’encontre du discours marketing habituel. Mais au vu des questions du public, il n’est pas sûr que la démystification ait été pleinement entendue.

Plus loin

Lors de la traditionnelle séance de questions/réponses de fin de conférences j’ai pu interroger les 3 conférenciers sur l’impact des Serious Games. Quelle sont leurs efficacités dans un contexte de formation ? Sont-ils aussi/moins/plus performants qu’un module de e-learning traditionnel ? Et vis a vis d’une formation en présentiel, quelle est leur score ?

Le constat est celui auquel je m’attendais: à l’heure ou j’écris ces lignes, il n’y a pas d’études chiffrées sur l’efficacité pédagogique de ces outils, tout du moins en terme de résultat sur l’acquisition de connaissances. Alors qu’il semble encore bien difficile de mesurer l’efficacité du e-learning dans bons nombre de structures, le SG me semble être aujourd’hui dans un stade de mystification :

C’est un phénomène en plein essor qui présente bien dans les services marketing et valorise les structures qui en font l’acquisition (« regardez on a notre SG »). Mais malgré les ingénieurs pédagogiques, les ingénieur multimédias, les ingénieurs à la double casquettes, les ergonomes, … il semble que le mythe de l’ordinateur formateur soit de retour (enfin, s’il nous a quitté un jour).

Une fois de plus, sans tutorat, sans accompagnant dans la démarche d’apprentissage, malgré le graphisme, l’immersion, la 3D immersive, il est fort probable que le SG, qui, j’en suis sûr, se vendra par palettes grâce à sa forte valorisation sociale et marketing, subira de nombreux revers et provoquera de nombreuses désillusions.

Appel > si vous développez des SG ou si vous en utilisez dans votre cadre professionnel, cela m’intéresse de les tester 🙂

En complément

Vous pouvez voir l’intégralité de la conférence en vidéo sur le site de Rennes Atalante. A titre de compléments, voici quelques liens :

  1. via wikipedia
  2. source : http://www.e-virtuoses.net/marche.php
  3. http://www.journaldunet.com/ebusiness/crm-marketing/dossier/comprendre-et-utiliser-les-serious-games/un-serious-game-combien-ca-coute.shtml

Publié

dans

par

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.